Histoires pour enfants

Lyam et le Portail du Vent Ancien

Histoires pour enfants

Dans une montagne balayée par la foudre et les secrets, Lyam, jeune chasseur de tempêtes à l’imagination débordante mais rongé par le doute, entreprend une quête périlleuse : activer le grand portail du Vent Ancien menacé par la tyrannie du Roi. Guidé par son chien loyal et un mystérieux Nomade insaisissable, Lyam devra écouter le murmure des orages, défier ses peurs, résoudre des énigmes ancestrales, et découvrir que l’audace et la solidarité sont les clefs de tous les possibles.
Lyam et le Portail du Vent Ancien

Chapitre 1 : Les Orages Retenus

Lyam inspira profondément l’air chargé d’ozone – ce parfum d’orage qu’il connaissait depuis toujours. Jamais sa maison n’était vraiment silencieuse : le vent s’engouffrait partout, bousculant volets et pensées. Cela faisait partie du quotidien, ici, sur cette montagne de pierres noires où les tempêtes venaient danser chaque soir autour des toits pointus. Pourtant, ce soir-là, un calme inhabituel régnait. Aucun fracas. Seule la respiration lourde de Velk, son chien au pelage hirsute, troublait la pénombre de la chambre.

Lyam, onze ans, observait l’horizon strié d’éclairs. Là-bas, au-delà des crêtes, la tempête hésitait étrangement à s’approcher. D’ordinaire, il aurait déjà été dehors, courant dans la clarté zébrée pour rapporter – s’il était chanceux – quelques éclats de foudre pour illuminer les lampes du village. Tout le monde regardait ce garçon à la chevelure sombre, surtout depuis la disparition de son père, le plus vaillant chasseur de tempêtes que la vallée ait jamais connu.

Lyam, lui, ne se sentait pas du tout vaillant. Il collectionnait les doutes aussi sûrement que les cicatrices sur ses genoux. « Tu rêves trop, Lyam », marmonnait parfois la doyenne du village. Peut-être. Mais n’est-ce pas grâce aux rêveurs que les orages passent sans engloutir tout ce qu’on aime ?

Click-click ! Velk gratta la porte de sa truffe impatiente, comme s’il sentait qu’un mystère était en train de naître. Lyam s’accroupit, attrapa sa cape et ses bottes, puis murmura – pour se donner du courage :

— Viens, on va voir pourquoi la tempête nous boude.

Ils serpentèrent entre les maisons de pierre, croisant des têtes inquiètes à chaque fenêtre. Plus loin, là où le sentier plonge vers les alpages, une rumeur montait. L’ancien Cordian discutait à voix basse avec sa voisine, et l’institutrice laissait échapper, malgré sa sévérité légendaire :

— Les nuages sont prisonniers, je le sens…

Lyam frissonna. Dans l’esprit du village, chaque tempête était un souffle vivant, porteur d’histoires anciennes. Si la montagne était privée de son vent, tout dépérirait : herbes, sources, chants.

Au détour du chemin, Velk s’arrêta brusquement, corps tendu comme une corde d’arc. Un inconnu venait de surgir, silhouette haute et ployée, visage dissimulé sous un manteau de voyage poussiéreux. Son bâton, sculpté de motifs étranges et surmonté de plumes blanches, crissait sur la roche nue. Seule la lueur phosphorescente de ses yeux, perçants comme ceux d’un renard, trahissait sa jeunesse relative.

Le silence se fit. Velk grogna, pour la forme – mais Lyam n’eut pas peur. Il sentit, sans pouvoir l’expliquer, que ce n’était pas un ennemi.

— N’aie crainte, susurra l’étranger, posant un instant la main sur la tête de Velk. Je viens là où le vent ne souffle plus.

— Qui êtes-vous ? balbutia Lyam, partagé entre politesse et suspicion.

L’étranger esquissa un sourire qui ne ressemblait à rien de familier :

— Un Nomade. Je porte les histoires d’un bout à l’autre des montagnes. Et j’apporte aussi des avertissements. Il est dit que si le Vent Ancien ne se réveille pas, votre village tombera en silence, puis en oubli. La tempête est retenue. Tu l’as senti, n’est-ce pas ?

Lyam hocha la tête. Comment ce Nomade savait-il ? Il se rappelait les récits de son père sur les portails mythiques, mais jamais il n’aurait cru en croiser un vivant. Le Nomade tendit son bâton, comme s’il montrait le chemin :

— Là-haut, au sommet où même la pluie n’ose monter, dort un portail oublié. Il peut libérer ce qui étouffe la montagne. Mais seule la bravoure éclairée par l’imagination pourra l’ouvrir. Seras-tu de la quête avec moi, Lyam chasseur de tempêtes ?

Lyam hésita. L’envie de fuir s’affronta violemment à une curiosité brûlante. Il pensa à son père, aux éclairs qui couraient dans ses veines, aux soirs où ils éclataient de rire malgré l’orage.

Velk donna un coup de museau, comme s’il disait : « Va ! C’est maintenant ou jamais. »

— Je viens, annonça Lyam, la voix tremblante mais déterminée.

Le trio se mit en marche. Le paysage perdait lentement sa familiarité alors qu’ils montaient vers l’inconnu. Sur leur chemin, la montagne montrait déjà des blessures : des balises de pierre, autrefois guides sacrés pour les voyageurs, jonchaient le sol en éclats, brisées délibérément. Un sentier jadis bien tracé avait disparu sous des cailloux entassés. Parfois, un silence de mort était brutalement brisé par le cri d’un corbeau déchaîné, tournoyant au-dessus d’eux – messager ou espion ?

Le Nomade avançait sans hésiter. Il effleurait les pierres, murmurait au vent des mots incompréhensibles, déchiffrait le monde comme on lit un poème. Lyam suivait, apprenant sans le savoir : l’art d’observer là où les autres passent trop vite, d’écouter là où le silence parle fort.

— Quelqu’un veut empêcher l’éveil du portail, confia soudain le Nomade, baissant la voix. Un homme puissant, que l’on nomme le Roi de la vallée. Jadis, il a voulu dompter le vent… Aujourd’hui, il le craint. Il préfère que tout reste figé, pour que personne ne puisse rêver l’impossible.

— Et si nous échouons ? demanda Lyam, le cœur serré.

— Si nous échouons, le vent s’éteindra. Mais si nous réussissons… la montagne retrouvera sa voix et ses légendes.

Velk, lui, semblait ne rien craindre. Il bondissait d’un rocher à l’autre, flairant le danger, remuant la queue d’un air bravache. Plus d’une fois, il s’aventura trop loin, manquant de glisser dans une crevasse, ce qui fit rire Lyam malgré la tension.

À mesure qu’ils gravissaient la pente, l’ombre s’étirait – épaisse, étrange. Mais Lyam sentait une force nouvelle bourgeonner en lui, un mélange d’appréhension et de fierté. Il n’ignorait plus sa peur ; il la portait, tel un talisman.

Soudain, un frisson parcourut la montagne. Un grondement lointain secoua leur colonne vertébrale. Le sommet, encore invisible, semblait leur murmurer : « Oserez-vous venir jusqu’ici ? »

Velk aboya. Le Nomade dressa son bâton vers le ciel :

— L’aventure commence, Lyam. Prépare-toi, car au-delà des falaises, des secrets et des dangers guettent… mais aussi ce que tu ignores encore de toi-même.

Lyam ferma les yeux un instant, sentant le souffle du vent naissant sur son visage. Il pensa à tous ceux qui l’attendaient en bas, à la lumière à ramener, à la peur à apprivoiser. Puis il rouvrit les yeux, déterminé.

— Allons réveiller le Vent Ancien.

Et, à la tête de son étrange trio, il s’engagea dans la montagne, prêt à affronter ce qui se profilait à l’horizon.



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