Histoires pour enfants

Ilyanna et la Poussière des Étoiles

Histoires pour enfants

Sur la Lune, Ilyanna, étrange enfant dotée d’une vive imagination mais réputée trop timide pour briller parmi les siens, doit pour la première fois quitter la sécurité du dôme lunaire. Sa mission : recueillir de précieux échantillons de poussière d’étoile, ingrédients essentiels à la protection de sa cité. Mais dehors, vrombissent dangers et mystères : un ogre légendaire traque la lumière, un diplomate alien au langage fleuri trouble les frontières, et l’invention d’un lanceur de sorts vire à l’imprévu. Ilyanna devra compter sur son courage, l’inattendu de ses alliés, et l’audace de rêver au-delà des cratères – car sur la Lune, ce que l’on croit n’est jamais ce qui est, et la poussière d’étoile cache plus d’un secret…
Ilyanna et la Poussière des Étoiles

Chapitre 1 : Sous le Dôme d’Argent

Sur la face lumineuse de la Lune, quelque part à la lisière du grand silence, la Cité d’Argent dressait ses dômes miroitants au milieu d’un océan de dunes d’albâtre et de cratères mordorés. C’était une ville à la beauté éclatante, toute nervurée d’arcs translucides et de passerelles suspendues, où la lumière des étoiles semblait danser à chaque battement de cœur. Mais pour Ilyanna, chaque aurore y restait une promesse incertaine, un nouveau jour sous le regard trop appuyé des autres.

Ilyanna était une enfant de la lune, née du silence et du rêve. Dotée d’une imagination qui brisait les frontières du raisonnable, elle dessinait des constellations inédites sur les vitres de sa chambre, s’inventait des amis tourbillonnants de poussière d’astéroïde, et adressait des lettres entières à des mondes secrets, cachés dans les cratères. Mais, dans les couloirs de l’école lunaire, cette timidité masquée et sa façon de parler aux ombres suscitaient bien plus de moqueries que d’admiration.

Ce matin-là, la lumière crépitait de blancheur. Sur la grand-place, tous les enfants du dôme s’étaient rassemblés pour la Cérémonie des Éclats, le plus ancien rituel de la cité. Il fallait choisir ceux qui s’aventureraient au-delà du dôme pour collecter la précieuse poussière d’étoile, source de toute la magie du lieu. Un brouhaha régnait partout. Les plus hardis ricanaient, mimant déjà leurs exploits. « Toi ? Oserais-tu seulement traverser le sas, Ilyanna la Translucide ? » lui lança une voix dans la foule. D’autres répétaient, moqueurs : « Ilyanna, reine du songe, va-t-elle s’endormir avant d’arriver ? »

Ilyanna serra son carnet contre elle, les yeux bas. Elle connaissait la règle : chaque année, le Conseil d’Argent jetait dans l’air une poignée de fragments lumineux — autant de chances d’être désigné. Ilyanna n’avait que rarement vu son nom flotter ailleurs que sur la dernière page du registre, bien loin des regards. Et pourtant, cette fois-ci, le destin, ou la Lune elle-même, décida de lui jouer un tour.

Un bruissement soudain : la doyenne du Conseil, une vieille femme souple aux cheveux constellés de filaments d’argent, s’avança, tenant la sphère du tirage. Les fragments d’éclats dérivèrent lentement vers le public. Un, deux, trois… puis un éclat s’illumina d’un halo indigo et, contre toute attente, vola droit vers Ilyanna.

La place devint silencieuse, comme figée hors du temps. On aurait pu entendre battre le cœur lunaire sous les dalles. Les murmures recommencèrent vite, acérés, surpris, narquois. Mais la voix de la doyenne fendit l’air : « Ce sera toi, Ilyanna. As-tu le courage d’accepter l’imprévu ? »

Ilyanna sentit tout son corps trembler. Mais dans sa poitrine, une chaleur inattendue montait : la lumière du rêve s’entêtait. Elle détourna un instant le regard vers les hautes arcades étoilées, puis leva la main.

« J’accepte, » souffla-t-elle, si bas que le vent d’argent parut seul en être le témoin. Pourtant, la réponse résonna dans la foule. Les rires s’éteignirent d’un souffle.

Quelques heures plus tard, à l’abri des regards, Ilyanna se retrouva dans la salle circulaire des expéditions, dont les murs étaient couverts de trophées lunaires étranges et d’anciens costumes d’astronaute. C’est là que ses deux compagnons lui furent présentés.

Le premier, Vell, ne ressemblait à rien de familier. Grand — ou du moins délié dans des proportions d’extraterrestre —, couvert de motifs multicolores comme une fresque mouvante, il s’inclina devant Ilyanna avec une exubérance de danseur. Ses trois yeux (l’un turquoise, l’autre vert mousse, le dernier améthyste) clignaient en cadence tandis qu’il tempêtait, dans un accent absolument imprononçable :

« Enfin ! Une rêveuse pour briser la monotonie d’une équipe de têtes brûlées ! Appelez-moi Vell, ambassadeur du clan Noctule, orateur aux mille proverbes — “Si la lune s’endort, l’étoile la réveille”, comme on dit chez moi… »

Ilyanna bredouilla un « bonjour » timide. Mais Vell, remarquant ses joues rougies, s’accroupit pour se mettre à sa hauteur et chuchota :

« Parfois, ceux qui imaginent des mondes sont les seuls à les découvrir. »

Puis vint Noctis, typiquement lunaire cette fois-ci, vêtu d’une tunique brodée de circuits phosphorescents, les cheveux hérissés comme si une comète les avait électrifiés. Il tenait à la main un bâton hérissé de billes modulables — un lanceur de sorts à la fine pointe, sur lequel il tambourinait, nerveux.

« Salut ! Enfin une expédition où je pourrai tester mes améliorations… Euh, enfin, je veux dire, content de partir avec toi. Tu… tu as une idée de comment la poussière d’étoile se comporte dans les champs magnétiques inversés ? Moi, je parie qu’on peut la moduler ! » Il offrit à Ilyanna un demi-sourire, moitié excitation, moitié inquiétude. « T’inquiète pas, je suis très doué pour rattraper les catastrophes. »

Avant qu’Ilyanna ait pu répondre, la doyenne entra, son ombre glissant sur le sol clair comme un croissant de lune. Elle leur confia solennellement trois fioles de cristal, une carte ancienne aux symboles changeants — dont le centre brillait d’une lumière douce, presque vivante — et une clé d’or pâle.

« La poussière d’étoile ne se laisse pas collecter sans intention, expliqua-t-elle. Chacun de vous devra écouter ses propres peurs. Car la Lune garde ses mystères pour ceux qui osent croire en l’impossible. »

Dehors, le crépuscule martelait la voute du dôme de lumières indigo et or. À la lisière de la cité, juste là où le dôme s’ouvre sur la mer ancestrale de poussière, l’ombre d’une silhouette immense passait fugitivement — celle de l’Ogre des Cratères, qu’on disait friand de lumière autant que de légendes.

Dans la petite salle, le trac serrait la gorge d’Ilyanna. Vell crevait le silence :

« Dis-moi, rêveuse, as-tu déjà parlé à un Ogre sous la pleine lune ? Chez moi, on prétend qu’ils raffolent des mauvaises chansons… »

Noctis enchaîna, en lançant un jingle lumineux avec son bâton :

« Si ça se complique, je leur lance un nuage de brouillard phosphorescent ! Faut juste éviter les courts-circuits, c’est tout. »

Ilyanna ne put s’empêcher de sourire, rassurée malgré tout par la folie douce de ses compagnons.

En silence, elle rangea son carnet à rêves, enfila son manteau léger piqueté d’argent, et glissa la clé autour de son cou. Juste avant de franchir la première passerelle vers la sortie, elle se retourna une dernière fois : par les vitres embuées, toute la Cité d’Argent semblait veiller sur elle, suspendue entre crainte et espoir.

Au moment où s’ouvrait la porte, un souffle froid du dehors emplit la pièce. La lumière lunaire, irréelle, leur dessinait de grandes ombres. Ilyanna avança la première. Elle était faible, pleine de doutes, mais chaque pas réveillait en elle un éclat insoupçonné. Elle pensait, à mi-voix :

« Et si cette fois, le rêve devenait plus fort que la peur ? »

Leur expédition ne faisait que commencer. Les spectres du dehors attendaient, la poussière d’étoile chantait déjà en pensée… Et, quelque part, un Ogre s’éveillait, prêt à mettre à l’épreuve la magie de l’imagination.



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