Histoires pour enfants

Le Souffle du Nord : Idris et l’Amulette Brisée

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Dans les immensités glacées de l’Arctique, un jeune samouraï ingénieux et loyal nommé Idris découvre que l’équilibre du Nord repose sur une amulette sacrée, désormais brisée et dispersée par un mystérieux contrebandier. Accompagné d’un mammouth malicieux et d’un Esprit d’arbre ancestral, il devra affronter la banquise vivante, décoder les murmures du vent polaire et déjouer les ruses d'un adversaire pour réunir les fragments magiques. Mais dans les tempêtes du Grand Froid, la force ne suffit pas : seuls l’imagination, le courage et la solidarité permettront de réparer ce qui a été perdu… et d’inventer un nouveau futur pour l’Arctique.
Le Souffle du Nord : Idris et l’Amulette Brisée

Chapitre 2 : L’Épreuve des Glaces Vivantes

Chapitre 2 : Le Dédale Blanc et la Partition des Glaces

L’expédition venait à peine de quitter la lisière protectrice de la yourte qu’elle s’engageait dans l’univers le plus étrange jamais foulé par Idris : le Dédale Blanc. Il ne s’agissait pas d’une simple banquise inhospitalière, mais bien d’un labyrinthe mouvant aux règles dictées par des vents lunatiques et des forces invisibles. Au-devant, la terre semblait vivante : les floes — ces blocs de glace aussi vieux que la première aurore boréale — s’écartaient, se heurtaient, puis, soudain complices, refermaient leurs bras gelés pour isoler ou enfermer les imprudents. Aucun pas n’y était identique ; chaque seconde, le chemin s’inventait puis se défaisait, sitôt la brume tombée.

Mammouth, formidable boule de laine rousse, piétinait en soufflant, la trompe vrillant les flocons. « Quel endroit capricieux ! Un instant c’est un pont, l’instant d’après un piège à bottes ! »

L’Esprit de l’arbre, quant à lui, avançait sans précipitation, effleurant la glace du bout de ses racines mouvantes, concentré sur les murmures souterrains qui traçaient des sentiers secrets à qui savait les écouter.

Idris, le sabre bien accroché sur le dos, sentait tout son être vibrer d’excitation mêlée d’inquiétude. Il tentait d’anticiper, d’imaginer le prochain piège, de cueillir chaque indice offert par ce paysage retors. Jamais ses facultés d’inventeur n’avaient paru aussi précieuses.

À peine avaient-ils parcouru une centaine de pas que le vent, ricanant, leur lança ses premiers défis. Il soulevait des flocons en gerbe, brouillant l’avant et l’arrière, mélangeant souvenirs et chemins. Tout à coup, la glace se fendit devant eux dans un grincement, découvrant un canal d’eau noire, tourbillonnant d’éclats de lune.

« Ce n’est pas bon signe… » marmonna Mammouth, lançant un regard inquiet à l’Esprit, qui se contenta de plisser ses branchages barbus.

Soudain, un chœur de voix s’éleva, joyeuses et étrangement irréelles. Au loin, flottant sur un îlot de cristal bleu, une bande de phoques s’amusait à faire rebondir des bulles de lumière entre leurs nageoires. Chacun portait au front un diadème de givre, chacun chantait de tout son cœur. Mais Idris comprit bien vite que leur mélodie n’était pas qu’un jeu d’hiver ; elle vibrait contre sa poitrine comme une énigme vivante, guidant et empêchant tout à la fois.

Mammouth, tout excité, tira soudain la langue : « Si tu savais comme ils sont forts à cache-cache… Mais là, Idris, ils jouent la garde ! »

En effet, chaque fois que la troupe s’approchait, la glace frémissait et se couvrait de zébrures piégeuses. De toute évidence, le fragment était là, enfoui dans le cristal bleu, mais personne ne pourrait passer sans leur agrément. L’un des phoques, le plus vieux, au ventre taché d’argent, se dressa alors et lança, d’une voix voilée d’écume :

« Voyageurs du Grand Nord,
Chemin perdu ou chemin de vie,
Un pas de travers, l’océan engloutit.
Chantez la route, suivez les notes,
Sans la clef, chute dans les flots ! »

Idris se gratta la tempe, réfléchissant à la devinette. Le sol vibra sous eux tandis que Mammouth, d’abord prêt à bondir, s’arrêta net, prudent devant le regard perçant du doyen-phoque. « Pas question de faire le héros poilu si on finit en glaçon, » admit-il, penaud.

Idris sut, avec cette fulgurance propre aux rêveurs, que seule la musique — ou du moins ce que l’on pouvait inventer à partir de la musique — permettrait de découvrir les dalles sûres à fouler. Il tenta du bout des lèvres un air imité des phoques ; le sol vibra mais ne céda pas. Alors, il observa le ressac des bulles nées des chants : chaque souvenance, chaque note adressée aux étoiles faisait naître un éclat de lumières différentes sur la glace. Avec son sabre, Idris traça alors sur la banquise une ligne, puis une autre, dessinant la partition dont la suite épousait les irisations des sons.

L’Esprit de l’arbre ferma les yeux, et modula à son tour le vent. À chaque phrase soufflée, les bulles chantaient plus haut, et les couleurs se densifiaient. Mammouth, de tout son souffle, tenta alors d’imiter la note la plus grave, produisant un bourdonnement colossal qui fit tinter la glace jusque sous l’archipel de cristal bleu.

Peu à peu, la glace devant eux sembla s’accorder. Les zones couvertes de lueurs roses ou bleues étaient stables ; celles d’un vert maladif, traîtresses. Compagnons unis, ils répétèrent encore la routine : à Idris les traits, à Mammouth le grondement, à l’Esprit les arabesques du souffle. Et le chemin apparut, zigzaguant avec grâce vers l’îlot central.

Mais alors qu’ils avançaient en cadence, les voix s’assombrirent, le tempo s’accéléra : c’était l’humeur du vent, ou bien autre chose ? Soudain, un bruit métallique fit irruption. Au nord, tout droit sur la banquise, déboula à grand fracas un traîneau mécanique orné de pointes, de rouages grinçants et de fanions de contrebande. Le contrebandier, tête encapuchonnée sous la fourrure, souriait d’un rictus cruel. Au bout d’une chaîne, il brandissait un orbe de glace noire, celles qui emprisonnent les rêves.

« Voilà mes petits artistes de la glace ! On m’avait parlé de vous… Vous n’avez pas assez d’imagination pour me tenir tête longtemps ! » ricana-t-il, enclenchant une manivelle.

Autour de lui, jaillit une gerbe de poudre gelée : soudain, tout autour du trio s’éleva un rempart translucide, des murs en colimaçon cernant Idris, Mammouth et l’Esprit de l’arbre dans une prison de cristal impénétrable. Les murs se resserraient lentement, refroidissant l’air à chaque tour.

Prisonniers, Mammouth s’agita : « Hé, je n’aime pas du tout les tours de magie qui sentent le cambouis ! »

L’Esprit de l’arbre planta ses racines, mais la glace refusait de se laisser briser.

Idris, le cerveau en pleine effervescence, vit tout à coup une seule faille : la mélodie des phoques persistait, minuscule, dans le chaos. Il se souvint alors de l’étrange motif découvert lors du dessin sur la gl...:

« Mammouth ! Est-ce que tu peux jouer ce que tu ressentais tout à l’heure, mais en plus fort, plus… joyeux ? »

Mammouth inclina la tête, renifla, puis souffla une note vibrante, plus ronde que la banquise elle-même. Quand la note rencontra la mélodie des phoques, les murs de glace se mirent à tinter, puis à vibrer comme une corde tendue entre deux pôles. Idris, de son sabre, dirigea la danse : chaque vibration ouvrait une fissure, et l’Ensemble, par magie, fit voler le rempart en éclats chatoyants, laissant la voie libre vers le cœur du cristal.

Le contrebandier, surpris, tenta de s’enfuir, mais un dernier surge de vent soufflé par l’Esprit de l’arbre le projeta hors du Dédale. « Votre route n’est pas finie ! » tonna-t-il avant de disparaître dans les brumes en sifflant, les pistons de son traîneau crachant des flaques d’huile gelée.

Idris, épuisé mais exultant, s’avança vers le sommet du monticule de glace, où le fragment de l’amulette s’enroulait de lumière boréale entre les nageoires des phoques. Le doyen lui offrit l’éclat, inclinant lentement la tête.

« C’est bien la première fois, dit-il d’une voix rêveuse, que l’Arctique reçoit une chanson inventée pour danser les chemins. »

Mammouth applaudit avec ses pattes comme des battoirs, envoyant valser la poudreuse en nuées joyeuses. L’Esprit de l’arbre, rasséréné, caressa la nouvelle amulette, dont la première lumière vint se couler dans la besace d’Idris.

Le Dédale Blanc, satisfait, se remit à glisser paresseusement sous leurs pas, comme pour leur ouvrir la prochaine porte. Un nouvel espoir naissait sur la banquise : la force de l’invention et de la solidarité, bien plus forte que toute rancune de glace ou de rouage. Et, à l’horizon du soleil naissant, la grande aventure des inventeurs polaires hissait sa prochaine voile.



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