Histoires pour enfants

La Lanterne du Volcan

Histoires pour enfants

Sur les pentes abruptes d’un volcan rougeoyant, le jeune chevalier Tiago – courageux mais secret – doit protéger une lanterne ancienne, source de lumière et d’espoir pour tout un village. Monté sur son cheval fougueux et aidé par une forgeronne visionnaire, il affronte un Gardien ancien dont l’ombre déforme les flammes. L’aventure les pousse à braver lave, trahison et choix impossibles, où héroïsme rime avec sacrifice.
La Lanterne du Volcan

Chapitre 4 : Le Duel du Crépuscule

Chapitre 4 : Le Pacte du Gardien et l’Éveil de la Lumière

La Flamme pure dansait dans la paume de Tiago, si légère et pourtant aussi brûlante qu’un souvenir refusant de s’éteindre. À sa première inspiration, la salle du sanctuaire sembla se contracter sous la rage du Gardien ancien, qui hurlait contre les murailles, sa forme boursouflée de cendres roulant sur elle-même comme une tempête de nuit. À chaque pas de Tiago, les arches de lave craquaient, les cristaux vibrissaient d’un chant alarmant ; tout, dans ce décor chancelant, rappelait que leur duel déciderait du cycle de lumière et d’ombre.

— Tu crois savoir ce qu’est protéger, gronda le Gardien, creusant dans la roche de sa voix érodée. Mais la lumière aveugle les faibles. Elle attire l’envie, la peur, la trahison… Mens-moi, Tiago : veux-tu porter seul le poids des ténèbres, pour des vivants qui oublieront ton nom avant la prochaine lune ?

Tiago, ébloui par la Flamme mais les jambes vacillantes sous la fatigue, planta ses deux pieds sur la pierre de lave. L’odeur âcre et le martèlement du sang dans ses tempes brouillaient toute pensée claire, mais il tint tête à l’entité :

— Même si l’oubli guette, même si la peur ronge, la lumière mérite d’être défendue. Ce n’est pas mon nom qui compte, c’est la chaleur qu’on laisse derrière nous.

Le Gardien s’interposa, grande main de cendre rugissante levée entre Tiago et la sortie. Son regard de lave incandescente se fit soudain suppliant, une faille orange vibrant aux commissures d’un visage qui avait jadis dû être noble :

— Tu ne comprends toujours pas… J’ai été, moi aussi, celui qu’on admirait. J’ai protégé le volcan, la vallée, tant d’années que la mémoire du monde s’en estompait… J’ai cru que la peur maintiendrait la vigilance, que l’ombre pousserait les vivants à s’unir. L’oubli, Tiago… il pèse plus lourd que la solitude. J’ai voulu maintenir la lumière en gardant l’obscurité à la porte, mais…

La roche trembla de nouveau. La Flamme, dans la main de Tiago, frémissait par instants, comme si elle cherchait une issue au-dedans de lui.

Le Gardien tendit la main, plus solennel qu’agressif :

— Je te propose ceci : rends-moi la Flamme. La lanterne brûlera encore — faiblement, mais assez pour garder tes proches en sécurité. Je jure de ne pas troubler leur nuit avant un nouveau cycle. Tu gagneras la paix, la gratitude des tiens. Mais, à terme, l’ombre s’étendra. Un héroïsme sans douleur. Un compromis pour ceux que tu aimes.

Tiago sentit le doute l’écraser. Cette offre, empoisonnée mais tentante, lui promettait le soulagement immédiat, la disparition du danger qui pesait sur Saëra, Atol, le village tout entier. Son esprit s’emballa : n’était-il pas égoïste de refuser ? À vouloir sauver tout le monde, risquait-il de tout perdre ? Mais chaque image de Valombrune, chaque rire, chaque promesse de lumière, murmuraient en lui que remettre à plus tard la victoire de l’ombre reviendrait à l’accepter déjà.

Il vacilla, la Flamme glissa sur ses phalanges. Alors, dans un grondement soudain, la montagne bascula : une coulée fulgurante fendit la salle, projetant Tiago sur les marches de basalte. Sifflements hurlants, chaleur soudaine, cendres projetées… Sous la poussière, une clameur familière éclata :

— Tiago ! On est là !

Dans l’éclat orangé, Saëra surgit, rousse ébouriffée, couverte de suie, les bras pleins d’un objet étrange qui ressemblait à une assiette polis de métal. Atol bondit à ses côtés, ruant, la queue et la crinière chargées de scories mais l’œil vif de fureur et de fidélité.

— T’avais promis un duel, mais pas de t’enfouir tout seul dans la lave ! lança la forgeronne, déterminée à cacher la moindre trace d’angoisse derrière la provocation.

Le Gardien se tourna vers eux, son ombre projetée immense, mais Saëra braqua son invention : un disque gravé de miroirs et de lentilles, magnifiant la moindre étincelle. Avec l’habileté du désespoir, elle dirigea le rayon naissant de la Flamme pure sur le cristal du disque. Les murs en furent instantanément inondés : des faisceaux de lumière blanche refluèrent, transperçant les bras du Gardien, brisant ses attaches de fumée. Mille éclats miroitants dansèrent sur le plafond, projetant comme une aube multiple.

Atol, devinant le danger, s’interposa entre Tiago et la silhouette enragée du Gardien — il gratta violemment la pierre, défiant, appelant son maître à tenir bon. Saëra, de la sueur plein le front, lutta pour maintenir le miroir aligné à travers les secousses. Tiago, galvanisé par la présence de ses amis, serra la Flamme à deux mains, l’érigeant vers l’ennemi.

— Voilà notre réponse, Gardien ! s’écria-t-il. Pas de compromis, pas de lumière à moitié morte. Nous affronterons la peur, ensemble, mais jamais nous n’accepterons ta nuit !

La lumière amplifiée, éclatée en myriade, fit chanceler le Gardien. Sa forme trembla, ses pieds de lave trébuchèrent. Il leva vers le groupe son visage sculpté de douleur, non plus terrifiant mais épuisé.

Un sanglot secoua ses épaules incandescentes. Sa voix n’était plus une clameur terrible, mais le soupir d’un vieillard las :

— Tout ce que je voulais… c’était qu’on se souvienne encore… qu’on reconnaisse que c’est la peur, et l’espoir après elle, qui tient vivante la Flamme. Trop longtemps j’ai cru que l’ombre me donnerait l’éternité, mais elle m’a asphyxié.

Lentement, Tiago baissa la Flamme. Un silence grave s’étira ; la sueur dégoulinait sur ses tempes, mais dans ses yeux, pas une lueur de jugement — seulement une compassion nouvelle. Il franchit le pas qui les séparait et, avançant la Flamme pure, laissa son halo englober le Gardien dans un geste sacrificiel.

— Prends part à la lumière. Tu n’es pas oublié. Tu fais partie de l’histoire. C’est l’ombre qui t’a enfermé dans l’amertume, et c’est la lumière, partagée, qui te libère.

Il toucha de la Flamme l’épaule funeste du Gardien. Instantanément, la lourde silhouette vacilla : des fragments luisants tombèrent comme des écailles, se dissolvant en brumes dorées. Le Gardien releva un visage apaisé, ses yeux effrayants convertis en deux lacs de lumière tendre.

— Rappelle-toi, murmura-t-il à Tiago, n’entrave jamais la lumière par la peur. Elle survit tant que le courage ose l’offrir à l’autre.

Puis, avec la lenteur d’un rêve qui cède à l’aube, sa forme s’effaça entre les volutes claires, se mêla au souffle du volcan et disparut dans un souffle qui n’était plus qu’une caresse chaude sur la joue de Tiago.

Les tremblements cessèrent. La salle respira. Le miroir de Saëra reflétait maintenant un rai de lumière si douce qu’on aurait juré y voir le lever du soleil. Atol s’approcha, museau contre la main du chevalier, comme pour sceller d’un serment muet leur promesse de veille éternelle.

Saëra, encore éberluée par la puissance de leur action groupée, retrouva vite son verbe :

— Je savais que mon miroir servirait ! (Elle sourit, mais sa voix s’étrangla dans l’émotion.) On… On a vraiment réussi ?

Tiago acquiesça. Fatigué, mais le regard neuf, il contempla la Flamme pure, plus vive que jamais. Il savait, à présent, la restituer au village non comme un talisman solitaire, mais comme un feu partagé — fruit des peurs affrontées, de l’aide acceptée, et du souvenir du Gardien réconcilié par la lumière.

— On est prêts, dit-il enfin, et pour la première fois, ses mots sonnaient aussi forts que la promesse de l’aube.

En silence, Saëra, Atol et Tiago prirent le chemin du retour. Derrière eux, le cœur du volcan, en paix, battait au rythme d’une lumière retrouvée : celle qui n’oublie jamais ceux qui la protègent, même après la nuit la plus noire.



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