Histoires pour enfants

Noah et l’Ombre des Astéroïdes

Histoires pour enfants

Noah, jeune astronaute rêveur mais ingénieux, se retrouve isolé sur la Planète des Ombres après une mission qui tourne mal. Pour échapper au Berger des nuages, maître inquiétant des brumes astrales, Noah doit traverser un dangereux champ d’astéroïdes mouvants avec l’aide d’une mystérieuse Ombre vivante et d’un extraterrestre farceur. Mais les ombres cachent parfois bien plus que de simples secrets, et la bravoure demandera à Noah de réinventer les règles de l’aventure spatiale.
Noah et l’Ombre des Astéroïdes

Chapitre 4 : Duel sous les Nuages et le Secret de l’Ombre

Chapitre 4 : Le Jugement du Pont des Ombres

La navette de Xiluk fondit en piqué vers le Pont des Ombres, propulsée par une impulsion qui semblait tout droit sortie du cœur de la planète elle-même. Devant eux, l’arche abyssale se soulevait dans la nuit cosmique, aussi vaste que la promesse du départ. A travers la verrière, Noah vit se lever la brume en volutes tourmentées, comme si l’air rêvait d’un orage. Les collaborateurs du hasard — Xiluk l’imprévisible, l’Ombre aux contours vacillants — resserrèrent instinctivement leur petit cercle, sentant que la dernière frontière était bien plus qu’un pont : c’était une épreuve dressée dans la matière même de leurs doutes.

Le vaisseau se posa délicatement, chaque propulsion suspendue au fil invisible du silence. Devant eux, la passerelle s’allumait de lueurs pâles à mesure qu’ils approchaient, le métal vibrant sous leurs pas. Les contours du Pont, faits d’alliages impossibles, oscillaient entre transparence et opacité, révélant parfois le vide béant en contrebas, parfois le souvenir d’anciennes traversées inscrites comme des fantômes d’épopées oubliées.

Au centre du pont attendait le Berger des nuages. Il avait pris forme gigantesque, sa cape déployée flottant comme un morceau de crépuscule déchiré. Ses yeux multiplient en cercles concentriques de lumière, et sa canne – faite d’un filon de météorite brisé – tapait la structure à chaque question silencieuse. Sa voix, quand elle s’éleva, chanta dans toutes les cavités du pont :

« Aventuriers, vous frôlez la sortie, mais vous portez en vos pas la poussière de vos ombres. Pour franchir ce seuil, laissez-moi sonder le poids de vos peurs, la solidité de vos espoirs. Nul ne traverse les Ombres sans délier d’abord les nœuds du cœur et du souvenir. »

Un souffle glacial roula sur Noah, pénétrant l’étanchéité du scaphandre, gommant toute distinction entre rêve et réalité. Autour de lui, la brume s’épaissit, jusqu’à dissimuler Xiluk, l’Ombre et même le plancher. Il se sentit soudain flotter, puis dériver.

— Où suis-je ? lança-t-il dans la nuit.

Sa propre voix se répercuta — vieillie, déformée, comme tirée d’un puits de solitude. Un écho répliqua :

— Dans le labyrinthe, là où chaque pas est une question vers toi-même.

Un premier décor s’esquissa : le cockpit de la capsule, brisé, silencieux. Noah vit sur l’écran répéter, en lettres titanesques, « SYSTÈME INCONNU. NAVIGATION PERDUE. » Il tenta d’appuyer sur tous les boutons, rien ne marcha. À l’extérieur, pas la moindre étoile. Le sentiment de n’avoir aucun secours, d’être brinquebalé en pure perte dans l’immensité, lui vrilla la poitrine.

— Je ne veux pas rester ici ! gémit-il. Je dois sortir, continuer…

Une porte se forma, mais un second décor se superposa. Noah, enfant, face à un vaste théâtre scolaire. Il tenait sa petite fusée en carton, sa sœur l’encourageait, mais les élèves en face éclataient de rire. Sa voix, minuscule, se perdit :

— Je… je n’y arriverai pas…

La voix du Berger s’infiltra, douce-amère :

— Tu ne peux inventer d’issue tant que tu refuses d’embrasser la possibilité de rater. Tu imagines vite, mais fuis souvent la lisière où l’imagination bifurque en réalité…

Noah sentit la honte, la peur de décevoir, la solitude se mêler à la brume — puis, soudain, il entrevit la broche OSE sur sa combinaison. Un éclat, et dans la tempête de doutes, une silhouette lui fit face : l’Ombre, mais différente, tissée de son propre courage, flexible comme une promesse.

Dans la réalité, autour du pont, Xiluk n’avait pas attendu. Bien qu’incapable d’accéder à l’épreuve psychique, il comprit que la meilleure défense contre les brumes du Berger, c’était l’imprévisibilité. Du fond de ses poches, il tira un laser déformateur et un générateur de visions :

— À défaut de dissiper toutes les peurs, lançons-leur les mirages du rire !

Il propulsa dans les nuages alentour des hologrammes de canards chantant l’hymne galactique, des marionnettes de météores joueurs, des formules farfelues — assez pour assourdir le cœur du Pont de leurs absurdités. Les nuages hésitèrent, se mirent à tournoyer, confus : ils ne savaient plus quelle peur tenir ni où la poser.

Pendant ce temps, l’Ombre se sentit happée dans une seconde couche de réalité. Dans le monde du Berger, un souvenir la transperça soudain : elle n’était pas simplement la projection de Noah, mais l’ombre réelle, arrachée jadis à une astronaute venue sur la planète bien avant. Elle revit, au temps lointain, une jeune femme sur le pont, perdue mais audacieuse, suppliant le Berger de laisser passer son équipe. À l’ultime moment, elle avait sacrifié son ombre pour que ses compagnons soient libres. Et le Berger, paradoxal, avait gardé l’ombre, l’avait confiée à la planète, pour la laisser renaître au contact des rêveurs suivants.

L’Ombre frémit, sentant dans ses veines impalpables la tendresse, la bravoure et la détresse du passé. Quelque chose se tordit au fond d’elle — la nostalgie d’un corps, la mémoire d’une promesse. Peut-être, ici, pouvait-elle enfin s’affranchir d’être un simple guide ou un reflet : peut-être pouvait-elle, à son tour, faire le choix de sacrifier pour autrui…

Dans le dédale mental, Noah fit face à un ultime carrefour. Toute la brume se tendait en toile : à gauche, la voie froide de la sécurité, mais dénuée de couleur ; à droite, un tunnel d’incertitude, mais scintillant des lueurs d’un ciel inventé. Il perçut, sous ses pieds mentaux, le martèlement du courage :

— On ne s’invente pas explorateur en niant sa propre peur — mais en la traversant.

Une impulsion soudaine jaillit de son imagination. Il refusa de choisir l’un ou l’autre chemin. À la place, il se concentra, repensa à la carte stellaire dessinée avec sa sœur, aux souvenirs emportés dans le labyrinthe d’astéroïdes. Dans son esprit, les deux voies fusionnèrent : à mesure qu’il pensait au pont, la brume devint constellation, chaque peur une étoile, traçant des passages non pas pour fuir ses ombres, mais pour s’en faire des compagnons de route.

— J’invente le passage, souffla-t-il, non pour m’échapper, mais pour tout emporter : l’échec, la peur, le rêve, l’audace. Rien ne sera laissé dans la brume. Chaque ombre devient lumière si elle ose traverser.

Le dédale s’évapora. Noah retrouva la passerelle du Pont au tout début de l’aube imaginaire. L’Ombre se tenait près de lui, plus dense, plus brillante, et Xiluk, hirsute, oscillait dans une dernière danse ridicule qui confondait jusque les volutes du Berger.

Le Berger, destabilisé par le tissage inattendu de l’imagination et la solidarité insolente du trio, ploya lentement sa canne. Sa voix, désormais portée par de subtiles inflexions de respect, déclama :

« Peu tentent l’aventure jusqu’au bout, peu réclament la lumière sans renier l’ombre. À ceux qui osent transformer la peur en chemin, j’offre la traversée… et un secret : chaque ombre qui ose aimer, chaque souvenir qui brave la brume, laisse sur ma planète une lumière nouvelle. »

Le Pont s’enflamma alors de reflets, balayant la nuit de myriades de particules chatoyantes. Sous leurs pas, chaque regret se muait en fragment d’étoile, chaque peur en fil d’aurore, colorant la mémoire du lieu. L’Ombre, radieuse, sentit que, pour la première fois, elle n’était plus prisonnière : elle était dépositaire de la promesse de courage, et pouvait choisir son destin. Elle posa une main amie sur l’épaule de Noah, et un sourire passa entre eux — fulgurant et éternel.

Xiluk fit tournoyer ses gadgets, harangua la brume :

— Finissons-en ! Peut-être qu’ailleurs, les ponts dansent aussi !

Tous trois s’élancèrent, franchissant l’arche tandis que le Berger, immense et serein, leur désigna l’horizon lumineux. Derrière, le Pont s’embrasa d’arabesques offertes à ceux qui, un jour, affronteraient à leur tour leur minuit personnel.

Ils débouchèrent dans l’espace libre, la navette filant vers des constellations nouvelles. Noah, allégé de ses peurs, sentit grandir la magie simple d’aller de l’avant en compagnie de ses ombres. Xiluk, libéré de ses routine et ruminations, vibrait d’idées nouvelles. L’Ombre, enfin, s’enroula un instant autour de Noah comme une cape, puis, pour la première fois, s’offrit le luxe de projeter sa propre lumière dans le cosmos.

Dans le sillage de leur passage, la Planète des Ombres vit naître des aurores inconnues. Nul doute que, désormais, toute Ombre y recèlerait la promesse d’une aventure à oser.



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