Au cœur d’un royaume lointain, perché sur un sommet de glace étincelante, se dressait le Château de Cristal, demeure de celle qu’on appelait la Reine des Neiges. Contrairement aux légendes qui l’entouraient, cette reine n’était pas une souveraine cruelle, mais une magicienne timide et courageuse, hésitant à révéler l’étendue de ses pouvoirs. Derrière ses reflets d’azur, elle cachait un secret : le temps y était figé, comme si chaque flocon d’hiver refusait de fondre.
La Reine des Neiges, dont le véritable nom était Althéa, vivait dans une tour de cristaux translucides. Depuis son plus jeune âge, elle avait appris l’art ancien de dompter la glace et la neige, enseigné par un mentor disparu dans un nuage de poussière enneigée. Althéa était généreuse et rêveuse, passionnée par la beauté des aurores boréales qui dansaient au-dessus de son royaume. Pourtant, elle redoutait que sa magie ne blesse les êtres qu’elle aimait, et gardait ses sortilèges pour elle-même.
Non loin de là, dans une vallée aux prairies fleuries, vivait la Reine Éloïse, souveraine d’un royaume de lumière et de verdure. Ami et allié d’Althéa, Éloïse régnait avec bienveillance sur ses sujets. Chaque printemps, les deux reines se retrouvaient au bord du lac scintillant, pour partager un festin de fruits dorés et d’hydromel parfumé. Mais ce printemps-là, la joie laissa place à l’inquiétude : les fleurs ne s’ouvraient plus, la brise restait immobile, et le lac lui-même était pris par une fine couche de glace.
L’origine de cette malice venait d’un chasseur de primes cruel, Rognar le Sombre. Envoyé par un seigneur avide de pouvoir, il avait pour mission de capturer la Reine des Neiges et de lui arracher son secret magique. Dans son traîneau de fer, il arpentait les montagnes à la poursuite de la plus légère empreinte de traces de pas argentés. Jamais il ne reculait devant l’effort, persuadé que la magie de glace d’Althéa réaliserait ses sombres desseins.
Un matin, la Reine Éloïse arriva au Château de Cristal, le regard plein de tristesse. On lui rapportait que les hommes peinaient à cultiver leurs champs, que la cloche de l’église avait gelé et que les oiseaux, surpris par le froid, avaient cessé leurs chants. Althéa sentit son cœur se serrer. Elle comprit qu’elle avait laissé le temps de son royaume se figer trop longtemps, et qu’elle devait agir. Mais comment inverser ce sort ?
Poussée par la loyauté qu’elle portait à Éloïse, et par la détresse de son peuple, la magicienne se résolut à entreprendre un rituel ancien, inscrit sur un parchemin parchemin craquelé. Il s’agissait de libérer l’Étincelle du Printemps, une gemme magique cachée sous la glace du lac enchanté. Pour briser la malédiction, Althéa devait plonger au plus profond des eaux, affronter ses peurs et solliciter la force de son propre cœur.
Accompagnée de son fidèle corbeau, Arcturus, et du cheval de neige Luna, qui foulait la poudreuse sans émettre le moindre bruit, la Reine des Neiges quitta son château à l’aube. Les premières lueurs perçaient le ciel, teintant les cristaux de teintes roses et mauves. Chaque pas résonnait comme une promesse nouvelle. Pourtant, la peur d’être traquée par Rognar n’était jamais loin.
Après plusieurs heures de voyage, le trio rejoignit le lac gelé. Althéa posa la main sur la surface glacée et ferma les yeux. Elle murmura les paroles du rituel : �Gel éternel, rends-moi ta prison, laisse le souffle du renouveau brûler tes glaces.� À ces mots, la banquise se mit à frissonner. Des fissures argentées zébrèrent la surface, et l’eau claire s’écoula en gouttes scintillantes.
Soudain, un craquement sourd retentit derrière eux. Rognar surgit, hache en main, le regard empli de convoitise. Sans hésiter, Althéa se plaça devant ses amis. Rassemblant son courage, elle invoqua un tourbillon de neige pure, qui dessina dans le ciel d’élégants flocons dansants. Arcturus croassa, tandis que Luna hennissait pour détourner l’attention du chasseur de primes.
Pris de vertige par la beauté et la puissance des sorts d’Althéa, Rognar vacilla. Il n’était pas préparé à un tel spectacle, et son désir de vengeance s’effrita face à l’altruisme rayonnant de la magicienne. Voyant l’hésitation dans le regard de l’adversaire, la Reine des Neiges comprit que son véritable pouvoir ne reposait pas seulement sur la glace, mais sur la force de ses sentiments.
Alors, d’une voix douce, elle proposa à Rognar de rejoindre leur quête. « Si tu acceptes de nous aider à libérer le printemps, tu pourras découvrir que la magie peut guérir plutôt que détruire. » Touché par sa proposition, l’homme abaissa sa hache. Ensemble, ils contemplèrent la fissure s’agrandir, reliant le ciel et la terre.
Sous la surface, l’Étincelle du Printemps scintillait, telle une perle d’or paisible. Althéa plongea la main, sentit la gemme tiédir et la retirer. À l’instant où elle émergea, un souffle de vie balaya les montagnes. Les arbres recouvrirent leurs bourgeons, les fleurs s’ouvrirent en un ballet coloré, et le lac reprit son clapotis mélodieux.
En quelques instants, la vallée se transforma : les oiseaux reprirent leur chant, le parfum du miel embauma l’air, et les paysans levèrent les yeux, souriants. La Reine Éloïse, émue, prit la main de son amie et la remercia d’une étreinte sincère. Quant à Rognar, il observa la scène, ébloui par la beauté du renouveau.
Althéa réalisa alors que la vraie récompense n’était pas l’Étincelle elle-même, mais le bonheur qu’elle apportait aux autres. Son cœur s’emplit de confiance. Le temps, autrefois prisonnier, se remit à couler librement dans son royaume.
De retour au Château de Cristal, la nouvelle magicienne qu’elle était devenue révéla sa magie en fête : elle sculpta des fontaines de glace chatoyantes qui reflétaient l’arc-en-ciel, offrit des sculptures de neige aux enfants rieurs, et enseigna à Rognar à canaliser sa force pour protéger les faibles.
Ainsi, la Reine des Neiges plus jamais seule, trouva dans l’amitié et la générosité la clé de son pouvoir. Le printemps et l’hiver apprirent à danser ensemble, offrant chaque année aux habitants un équilibre merveilleux. Et tous vécurent heureux, sous le regard bienveillant d’Althéa et d’Éloïse, gardiennes du temps et de la magie.